Disiz

Disiz©Abaca, De Malleray Felix

Sérigne M'Baye Gueye, de son vrai nom, grandit dans la cité des Épinettes-Aunettes à Évry dans l'Essonne, au son des deux poids lourds du rap français que sont NTM et IAM. À 16 ans, il intègre le groupe dit des Rimeurs à Gages, auprès de qui il se produit en amateur pendant quelques années avant de se faire repérer par l'une de ses idoles, Joey Starr, et lancer sa carrière solo en 1999. Son premier maxi, "C'que les gens veulent entendre" est un succès underground immédiat. Celui qui se fait appeler Disiz (prononciation très française de "This is") la Peste attire l'attention d'autres grands noms du milieu : il se voit intégré au collectif éphémère One Shot, aux côtés de Faf Larage, Nuttea ou encore Taïro, avec entre autres compositeurs Akhenaton et Shurik'N, pour réaliser la bande originale du "Taxi 2" (2000) de Gérard Krawczyk.

Si l'on peut ainsi déjà reconnaître son flow dans le blockbuster français produit et écrit par Luc Besson, sur des titres comme Millénaire, Au coin de ma rue ou Il faudrait que tu t'arrêtes, c'est toutefois pour un single solo, son premier, que le jeune talent du 91 va bientôt exploser sur la scène rap. J'pète les plombs investit les ondes de radio et les chaînes musicales avec son fameux clip directement inspiré du "Chute Libre" (1993) de Joel Schumacher porté par Michael Douglas. Déjà un gros succès, il permet au premier opus du rappeur, qui suit un mois plus tard, d'entrer directement en cinquième position des charts français.

Non seulement le nouveau-venu réussit le tour de force de réunir le Parisien Joey Starr (Rumeurs) et le Marseillais Akhenaton (Lyrics de gamin) sur un même album, mais son "Poisson Rouge" lui vaut surtout les plus beaux éloges des critiques. "Un premier disque qui brille par ses partis pris audacieux (musiques et paroles) et son ton faussement détaché (contre-attitude sans surenchère commerciale)", écrit ainsi Les Inrocks qui salue notamment des titres comme Ghetto sitcom, C'est ça la France ou l'auto-dérisoire Fuck Disiz. Le single-titre est quant à lui une référence directe à la guerre des quartiers qui sévit entre les Épinettes et le Canal de Courcouronnes, partie sur une pauvre histoire de poisson pas frais... "L'heure est grave, un p'tit est à l'hôpital. Six coups de couteau l'ont perforé devant le centre commercial" reflète ainsi le rappeur, avant d'entamer le refrain : "Tout ça à cause du poisson rouge..."

Fort de son succès, Disiz la Peste est invité à participer à une compilation de versions rap des tubes de Renaud ("Hexagone 2001... Rien n'a changé", sur lequel il s'approprie Dans mon HLM), puis revient seul sur une pochette d'album en 2003 avec "Jeu de société". Ce dernier rencontre toutefois beaucoup moins d'enthousiasme que son prédécesseur. Aussi le rappeur de l'Essonne décide-t-il de changer d'air, à la découverte de ses origines paternelles. Un séjour au Sénégal le voit enregistrer une paire de cassettes, "Sant Yalla" et "Sama Adjana" : si celles-ci sont d'abord uniquement destinées au public local, leur réussite incite la maison de disque Barclay à les réunir sur un opus dénommé "Itinéraire d'un enfant bronzé" (2004) - le seul a être ainsi signé du vrai nom de l'artiste, Sérigne M'Baye.

Alors qu'il participe également à un disque du collectif du 91, Fuck Dat, Disiz la Peste continue d'explorer de nouveaux horizons, en s'attaquant en 2005 à une toute autre profession... Le rappeur joue en effet les acteurs (bien qu'il ne s'éloigne pas trop de son propre personnage) pour "Dans tes rêves" de Denis Thybaud, auprès ... de Béatrice Dalle et Vincent Elbaz. On le retrouve ensuite dans le feuilleton "Petits meurtres en famille" (2006), et plus tard au casting de la série comico-fantastique "Hero Corp" (2008, 2015). Mais pas avant d'avoir opérer un retour remarqué dans le rap : "Les histoires extraordinaires d'un jeune de banlieue" est sacré en 2006 Meilleur album dans sa catégorie aux Victoires de la musique.

Déjà celui qui se nomme alors l'Inspecteur Disiz tacle certains de ses confrères, sans les citer, à l'heure où le rap devient plus un phénomène de mode (bling-bling) qu'une expression des (vraies) moeurs urbaines : "J'arrête les faux MC car j'suis un nègre à plaque/Si tu joues les hardcore sans ton permis d'rapper/Il te faut l'attestation de street crédibilité". Disiz la Peste est las de la scène musicale dans laquelle il évolue. Aussi lorsqu'il revient encore dans les bacs trois ans plus tard, c'est pour annoncer son départ, purement et simplement. "Disiz the end", intitule-t-il son cinquième opus, précisant toutefois sur son Myspace : "J'arrête le rap dans sa forme définie dans cette pauvre France mais je continue la musique dans son aspect général."

C'est donc dans un tout autre registre que le monde découvre Disiz Peter Punk en 2010. Rebaptisé - et avec des cheveux qui ont poussés -, l'ex-rappeur se tourne vers un son plus rock, avec quelques notes d'électro et même des petites sonorités d'Afrique pour "Dans le ventre du crocodile". S'il se détourne ainsi complètement de son public, il a le mérite de surprendre les critiques qui saluent cette reconversion osée. Or, malgré de tels encouragements, c'est finalement à nouveau dans le rap que le simplement renommé Disiz revient à peine deux ans plus tard. Comme pour signifier qu'il y restera un moment, il lance carrément une trilogie en 2012 avec "Lucide", suivi la même année d'"Extra-Lucide", puis en 2014 de "Trans-Lucide".

Après avoir par ailleurs oeuvrer dans d'autres domaines encore, entre littérature ("Les derniers de la rue Ponty", 2009 ; "René", 2012) et théâtre (il joue le fameux Othello de Shakespeare dans "Les Amours vulnérables de Desdémone et Othello", mis en scène par Razerka Ben-Sadia Lavant en 2013), Disiz participe en 2014 à un nouvel hommage au célèbre Mister Renard. Il reprend en effet son Laisse béton sur "La bande à Renaud", fait numéro 1 dans les charts français. Puis il réapparaît une nouvelle fois en solo en 2015 avec "Rap Machine". Il s'agit de son dixième album, dans lequel il se permet d'ailleurs de revisiter, comme un clin d'oeil, son plus grand succès (J'pète les plombs à travers Basic Instict).

Celui qui en aura décidément fait voir de toutes les couleurs à son public revient fin 2016 avec un nouveau titre, Grande colère, et un ancien blase... C'est ainsi Disiz la Peste qui annonce son prochain retour dans les bacs, prévu pour 2017.

Discographie :

2015 : Rap Machine
2014 : Trans-Lucide
2012 : Extra-Lucide
2012 : Lucide
2010 : Dans le ventre du crocodile
2009 : Disiz the end
2006 : Les histoires extra-ordinaires d'un jeune de banlieue
2004 : Itinéraire d'un enfant bronzé
2003 : Jeu de société
2000 : Le poisson rouge

Filmographie :

2015 : American Odyssey (Série TV)
2015-2014 : Hero Corp : La voie de Klaus (Série TV)
2015-2008 : Hero Corp (Série TV)
2006 : Petits meurtres en famille (Série TV)
2005 : Dans tes rêves, de Denis Thybaud

Bibliographie :

2012 : René, éd. Denoël
2009 : Les derniers de la rue Ponty, éd. Naïve

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