Deux ans plus tard, il réalise son premier long-métrage, "Un Monde sans pitié", pour lequel il rencontre un succès public et critique. Emmené par Hippolyte Girardot, Mireille Perrier et Yvan Attal, il est considéré comme le film du renouveau du cinéma français mais surtout comme le portrait indélébile de la génération post-68, une jeunesse en perte de repères portant le deuil des idéologies passées. Poétique et nostalgique, cette histoire parisienne d'amour et de désillusion écrite avec l'aide de son ancien camarade Arnaud Desplechin, remporte le Prix Louis-Delluc ainsi que le César du meilleur premier film en 1990 et offre à Yvan Attal celui du meilleur espoir masculin.
Comparé avec ce premier coup de génie à des réalisateurs français de renom comme François Truffaut, Jean Eustache ou Éric Rohmer, le cinéaste préfère dire qu'il s'inscrit dans l'univers de Jacques Becker dont il connaît par coeur la filmographie car il veut raconter la vie telle qu'elle est malgré le prisme de la caméra. Dans un registre totalement différent, Éric Rochant s'attèle à un deuxième long-métrage, le thriller en huis-clos "Aux Yeux du monde" (1991), pour lequel il retrouve Yvan Attal, ici en preneur d'otages, et fait tourner Kristin Scott Thomas. Le succès est moindre mais ne l'empêche pas de continuer rapidement sa route derrière la caméra.
Pensant de nouveau à Yvan Attal pour son prochain projet, il fait de lui un jeune juif parisien de 18 ans, Ariel, travaillant dans les services de renseignements israéliens pour "Les Patriotes". Sorti en 1993, son scénario lui a majoritairement été inspiré par l'un de ses romans fétiches, le roman d'espionnage "La Taupe" publié en 1974 par John le Carré. En revanche, malgré sa sélection en compétition officiel au Festival de Cannes, le film ne reçoit qu'un accueil modeste, souffrant de son registre singulier, entre film d'auteur et film d'action à gros budget.
Il quitte ensuite Israël pour poser de nouveau sa caméra à Paris, là où son héroïne, "Anna Oz" (Charlotte Gainsbourg) travaille dans un laboratoire le jour et mène une vie normale entourée de ses collègues et de son amant. Mais la nuit, Anna rêve de son double, d'une autre Anna vivant à son insu des aventures à Venise dans un riche palais. Film complexe oscillant entre rêve et réalité, ce quatrième long-métrage est bien loin d'égaler le succès d'"Un monde sans pitié" mais fait de Rochant l'un des réalisateurs les plus éclectiques de sa génération.
Comme les errances politiques de son premier long lui ont réussi, il tente de s'en approcher au plus près avec la comédie "Vive la République !" (1997), qui plonge de nouveau le spectateur dans les questionnements politiques et sociaux de ses personnages, des chômeurs interprétés par Roschdy Zem et Gad Elmaleh. Aure Atika et Hippolyte Girardot sont également de la partie. Paris reste son décor de prédilection à en croire son film suivant, "Total western". Son anti-héros, Bédé, voyou parisien sympa (Samuel Le Bihan) se fait embarquer dans le milieu de la drogue. Planqué dans l'Aveyron, il y fait la connaissance de jeunes délinquants hébergés dans une ferme. S'inscrivant pourtant dans la lignée des comédies anglaises de l'époque, le film ne séduit pas. Même chose pour la comédie familiale "L'Ecole pour tous", six ans plus tard.
Pour reconquérir son public, Rochant s'adonne corps et âme au petit écran avec deux projets conséquents : "Mafiosa" (2008-2010) et "Le Bureau des Légendes" (2015-2016), deux séries made in Canal+. Désirant se rapprocher au plus près de la qualité des séries américaines telles que "The Wire" ou "Les Sopranos", il place la basse assez haute lorsqu'il s'engage à reprendre en cours de route "Mafiosa" pour réaliser les saisons 2 et 3. Plongée dans le milieu mafieux corse et s'inspirant de faits réels, la série est nommée en 2015 aux Globes de Cristal. Pour "Le Bureau des Légendes", le processus est différent puisque c'est lui qui crée de toutes pièces le programme. Emmené par Mathieu Kassovitz, il prend ici pour décor la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE). En mai 2016, une troisième saison, prévue pour 2017, lui est commandée par la chaîne.
Entre-temps, le réalisateur tente un retour au cinéma avec le film d'espionnage "Möbius", porté par Jean Dujardin et Cécile de France. Le film attire plus d'un million de curieux et reçoit une nomination au Festival du Film de Tribeca. Il n'en fallait pas plus pour motiver le showrunner, qui n'a pas fini de nous surprendre.
Filmographie :
2015-2016 : Le Bureau des Légendes (Série TV)
2013 : Möbius
2008-2010 : Mafiosa (Série TV)
2006 : L'école pour tous
2000 : Total western
1997 : Vive la république
1996 : Anna Oz
1994 : Les patriotes
1991 : Aux yeux du monde
1989 : Un monde sans pitié
Récompenses :
1990 : César du meilleur premier film pour "Un monde sans pitié"
1989 : Prix Louis-Delluc pour "Un monde sans pitié"
1988 : César du meilleur court-métrage de fiction pour "Présence féminine"
© Sipa, LILO
"Möbius", d'Eric Rochant (2013)
En 2013, Eric Rochant confie à l'actrice le rôle d'Alice, une surdouée de la finance recrutée par Grigori Lubov (Jean Dujardin), un officier des services secrets russes. Dans le film d'espionnage "Möbius", Grigori Lubov rompt la règle d'or et entre en contact avec son agent infiltré, dont on sait rapidement qu'elle travaille pour le compte de la CIA. De cette rencontre naît une passion qui va les mener à leur perte. Au casting, l'Américain Tim Roth incarne Ivan Rostovski, un puissant homme d'affaires russe surveillé par les services secrets de son pays. Avis mitigés par la presse, le film se place tout de même au 2e rang du box-office la première semaine de sortie.
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