Hedwig Eva Maria Kiesler, de son vrai nom, rêve de cinéma depuis toute petite. À l'adolescence, elle quitte les bancs de l'école pour étudier le théâtre auprès de Max Reinhardt à Berlin. C'est ainsi en Allemagne que la jeune femme fait ses premiers pas sur le grand écran en 1930, dans "Geld auf der Straße" de Georg Jacoby. Ses talents d'actrice - et surtout de pin-up - ne tardent pas à être remarqués trois ans plus tard grâce à "Extase", un film de Gustav Machaty où elle apparaît entièrement nue, présenté à la Mostra de Venise puis interdit aux États-Unis. Son premier mari, le fabricant d'armes Fritz Mandhl, très jaloux, tente même de s'emparer de toutes les copies du long-métrage sulfureux, en vain. C'est d'ailleurs pour fuir ce dernier, dont elle obtient le divorce en 1937, que la jeune femme s'exile aux États-Unis.
Dans le pays de l'Oncle Sam, celle qui se fera bientôt appeler Hedy Lamarr décroche un contrat auprès de la MGM. Elle tourne alors son premier film hollywoodien en 1938, tenant le rôle de Gaby dans "Casbah" de John Cromwell. S'en suivent "La Dame des tropiques" (1939) de Jack Conway, puis "Cette femme est mienne" (1940) de W.S. Van Dyke, lesquels rencontrent un franc succès. L'actrice autrichienne côtoie alors les plus grands : Clarke Gable et Robert Young, respectivement dans "Camarade X" (1940) et "Souvenirs" (1941) de King Vidor, ou encore Robert Taylor dans "La Danseuse des Folies Ziegfeld" (1941) de Robert Z. Leonard et Busby Berkeley.
En pleine Seconde Guerre mondiale, alors qu'elle est au summum de sa carrière, Hedy Lamarr se fait connaître dans un tout autre domaine, aussi surprenant que révolutionnaire : avec son ami compositeur George Antheil, elle fait breveter en 1941 un système de communication secrète, basé sur un principe de transmission dit d'étalement de spectre par saut de fréquence. D'abord utilisée à des fins militaires, ce que l'on surnommera plus tard la "technique Lamarr" servira notamment dans la téléphonie mobile puis pour la création du Wi-Fi. Or, étant dans un premier temps classée "secret défense" par la Marine américaine, l'invention de Hedy Lamarr et George Antheil ne leur sera attribuée que sur le tard. Après une première reconnaissance en 1997, tous deux seront finalement admis, en 2014, au National Inventors Hall of Fame.
En tant qu'actrice, après sa tête d'affiche dans "Tondelayo" (1942) de Richard Thorpe, Hedy Lamarr voit sa carrière décliner à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle refuse notamment le rôle d'Ingrid Bergman dans le grand "Casablanca" de Michael Curtiz, puis finit par quitter MGM. Mais elle ne dit pas encore son dernier mot : en 1946, elle rejoint les productions indépendantes avec "Le Démon de la chair" d'Edgar G. Ulmer, lequel devient l'un des grands classiques de sa carrière avec, trois ans plus tard, le péplum "Samson et Dalila" de Cecil B. DeMille. S'en suivront quelques autres films, notamment auprès de Marc Allégret, avant que l'actrice ne tire définitivement sa révérence en 1958 avec "Femmes devant le désir" de Harry Keller.
La réputation de déesse intouchable et capricieuse, avec un penchant pour la chirurgie esthétique, a finalement eu raison de sa carrière. Celle que l'on surnommait pourtant "la plus belle femme du cinéma", par ailleurs véritable croqueuse d'hommes avec pas moins de six mariages et autant de prétendants que Billy Wilder, Otto Preminger, Charles Chaplin ou encore Orson Welles, finit alors ses jours recluse dans la petite commune de Casselberry au nord d'Orlando en Floride. Elle meurt de cause naturelle le 19 janvier 2000, à près de 87 ans.
Filmographie :
1958 : Femmes devant le désir, de Harry Keller
1957 : The Story of Mankind, d'Irwin Allen
1957 : Zane Grey Theater (Série TV)
1957 : Meurtres sur la dixième avenue, d'Arnold Laven
1957 : Shower of Stars (Série TV)
1954 : I cavalieri dell'illusione, de Marc Allégret
1954 : L'eterna femmina, de Marc Allégret
1954 : L'amante di Paride, de Marc Allégret et Edgar G. Ulmer
1951 : Espionne de mon coeur, de Norman Z. McLeod
1950 : Terre damnée, de John Farrow
1950 : A Lady Without Passport, de Joseph H. Lewis
1949 : Samson et Dalila, de Cecil B. DeMille
1948 : Vivons un peu, de Richard Wallace
1947 : Dishonored Lady, de Robert Stevenson
1946 : Le démon de la chair, d'Edgar G. Ulmer
1945 : Her Highness and the Bellboy, de Richard Thorpe
1944 : Angoisse, de Jacques Tourneur
1944 : Les conspirateurs, de Jean Negulesco
1944 : Le corps céleste, d'Alexander Hall
1942 : Tondelayo, de Richard Thorpe
1942 : Crossroads, de Jack Conway
1942 : Tortilla flat, de Victor Fleming
1941 : Souvenirs, de King Vidor
1941 : La danseuse des Folies Ziegfeld, de Busby Berkeley et Robert Z. Leonard
1941 : Viens avec moi, de Clarence Brown
1940 : Camarade X, de King Vidor
1940 : La fièvre du pétrole, de Jack Conway
1940 : I Take This Woman, de W.S. Van Dyke, Frank Borzage et Josef von Sternberg
1939 : La dame des tropiques, de Jack Conway et Leslie Fenton
1938 : Casbah, de John Cromwell
1933 : Extase, de Gustav Machaty
1932 : Man braucht kein Geld, de Carl Boese
1931 : Les treize malles de Monsieur O. F., d'Alexis Granowsky
1931 : Tempête dans un verre d'eau, de Georg Jacoby
1930 : Geld auf der Straße, de Georg Jacoby
Récompense :
1960 : Étoile sur le Hollywood Boulevard
© Sipa, Hollywood Photo Archive
Hedy Lamarr : icône de cinéma et inventrice de la communication sans fil
Née le 9 novembre 1914 à Vienne, Hedy Lamarr (vue dans le film "Le Corps Céleste", ici en photo) est une actrice, productrice et inventrice autrichienne naturalisée américaine. Élue "plus belle femme du cinéma", elle n'en reste pas moins une tête bien faite. En 1940, elle s'associe avec son ami George Antheil, antinazi et antifasciste comme elle, pour mettre au point un système de communication secrète notamment applicable aux torpilles radio-guidées de la Marine américaine, dans le but d'aider les Alliés. Cette technique, permettant de coder des transmissions par étalement de spectre, est cependant jugée irréalisable et n'est pas immédiatement reconnue par la Navy malgré le brevet déposé par l'actrice dès 1941. Il faudra attendre 1962 et la guerre du Viêt Nam pour que le procédé soit utilisé. Aujourd'hui, la plupart de nos téléphones portables mettent à profit les principes de son invention. C'est également le cas de nos GPS, des liaisons militaires chiffrées, des communications des navettes spatiales avec le sol ou encore du Wi-Fi. Malheureusement, Hedy Lamarr n'a jamais obtenu de compensation financière pour son invention estimée à plus de 30 milliards de dollars... Ce n'est que courant des années 1990 que des ingénieurs remontent le temps et attestent qu'elle est à l'origine de l'une des technologies les plus importantes des XXe et XXIe siècles. La belle est finalement admise au National Inventors Hall of Fame, à titre posthume, en 2014.
Portrait de Hedy Lamarr lors du tournage du film "Le corps céleste", en 1944.
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