Manu Dibango

Manu Dibango©Abaca, Quinet Jean-Marc/Reporters

Emmanuel N'Djoké Dibango, de son nom complet, naît déjà d'un mélange de cultures puisque son père est Yabassi et sa mère Douala, deux ethnies camerounaises distinctes. C'est ensuite jeune lycéen qu'il va d'autant plus étendre ses horizons lorsque ses parents l'envoient étudier à Saint-Calais dans la Sarthe. Arrivé dans l'Hexagone en 1949, il y découvre grâce à son compatriote Francis Bebey une sonorité qui l'accompagnera tout le long de sa vie, le jazz, ainsi que son instrument désormais fétiche, le saxophone.

Mécontent de son train de vie, davantage porté sur la musique que sur ses études - le jeune homme échoue au baccalauréat -, son père lui coupe les vivres en 1956. Aussi Manu Dibango décide-t-il de rejoindre la Belgique voisine pour travailler dans des cabarets de Bruxelles. Un choix judicieux puisqu'il y rencontre non seulement celle qui devient bientôt sa femme, le mannequin Coco, mais aussi celui qui le fera renouer avec les sonorités de son Afrique natale, l'artiste congolais Joseph Kabasélé dit Le Grand Kallé.

Ce dernier lui offre une place en tant que saxophoniste dans son orchestre. C'est ainsi qu'il retourne sur le continent africain pour une tournée acclamée au Zaïre, bien avant que le pays ne devienne la République démocratique du Congo, en 1961. Après quoi Manu Dibango reste à Kinshasa avec sa femme, le temps d'ouvrir une boîte qu'il appelle Tam Tam, où il dirige son propre orchestre, et d'y lancer la mode du twist... Le couple tente par la suite de répéter la formule au Cameroun, ouvrant un nouveau Tam Tam dans la ville natale du saxophoniste, mais fait face cette fois à un échec financier.

De retour à la case départ en France, Manu Dibango doit se contenter de jobs de musicien avant de pouvoir jouer à nouveau ses propres compositions. Après avoir fait partie de l'orchestre de Dick Rivers, puis de Nino Ferrer, il signe enfin son premier contrat en 1969. Son premier opus, "Saxy Party", mêlant reprises et morceaux originaux sur des airs principalement occidentaux, attise déjà la curiosité des labels européens. Le Français Fiesta Records publie en 1971 son deuxième album (éponyme) dont les sonorités, nettement plus africaines cette fois, lui permettent de renouer avec le succès sur ses terres natales.

Si bien que l'année suivante Manu Dibango se voit invité à composer l'hymne pour la huitième Coupe d'Afrique des Nations, organisée dans la capitale camerounaise de Yaoundé. C'est alors qu'il va connaître une notoriété internationale, pourtant inattendue : il enregistre, pour la face B du 45 tours destiné à la cérémonie footballistique, un titre dénommé Soul Makossa. Lequel ressurgit sur son troisième opus, "O Boso", et ne tarde pas à rencontrer un succès triomphal, faisant son petit bonhomme de chemin jusqu'aux Etats-Unis.

L'artiste africain est en effet l'un des premiers à intégrer le classement américain des singles les plus vendus, le Billboard Hot 100, où il culmine en 35e position en juillet 1973. Son tube funk sera quant à lui samplé à d'innombrables reprises au fil des années : les fameuses paroles "Mama-ko, Mamassa, Makoma-kossa" seront notamment réinterprétées par Michael Jackson sur son Wanna Be Starting Something en 1982, puis reprises quelque 35 ans après avoir été écrites sur le hit Don't Stop the Music de Rihanna en 2007.

Un succès qui permet à Manu Dibango d'entamer en 1973 sa première tournée américaine, où il a notamment l'honneur de jouer sur la fameuse scène de l'Apollo à Harlem. Puis de décrocher la tête d'affiche du célèbre Olympia à Paris, avant de retourner outre-Atlantique pour accompagner les Fania All Stars, grand groupe latino dont a notamment fait partie une certaine Celia Cruz, en tournée. Artiste international, précurseur de ce que l'on appelle dorénavant la "World Music", le saxophoniste camerounais a ainsi su investir pas moins de trois continents : le Vieux, le Nouveau et le Noir.

Il s'installe à nouveau dans ce dernier durant la seconde moitié des années 1970 pour diriger l'Orchestre de la Radio-télévision ivoirienne à Abidjan. Quatre ans au cours desquels il part à la rencontre de nombreux artistes ... africains, dont le roi de l'afrobeat Fela Kuti, et en profite pour enregistrer en 1978 l'album "Home Made" avec des musiciens ghanéens et nigérians. Alors que ce dernier est à nouveau un succès, l'artiste toujours en quête de nouveauté met le cap à la fin de la décennie vers la Jamaïque. Là-bas, il collabore encore avec des artistes locaux, notamment le duo reggae Sly and Robbie, pour accoucher de "Gone Clear".

Bien qu'il continuera d'effectuer de nombreux allers-retours avec le Cameroun, Manu Dibango déballe définitivement ses bagages à Paris à l'aube des années 1980. Une décennie que l'on sait riche en expérimentations musicales... Une aubaine pour le saxophoniste qui puise encore dans divers courants musicaux. Il mélange notamment en 1984 les sonorités africaines avec le hip-hop émergeant sur Abele Dance, qui devient un nouveau tube international.

L'année suivante, il collabore avec de grands noms du jazz et notamment Herbie Hancock sur l'album "Electric Africa". De même qu'il réunit des musiciens africains aussi réputés que le Malien Salif Keita pour sa campagne musicale "Tam Tam pour l'Ethiopie", destinée à lever des fonds contre la famine. Ce sont de tels efforts collaboratifs qui lui vaudront, en 2004, le titre d'Artiste de l'UNESCO pour la paix, décerné "en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle au développement des arts, de la paix et du dialogue des cultures dans le monde".

Dans l'Hexagone, aussi, Manu Dibango reçoit les plus hauts honneurs : la médaille des Arts et des Lettres en 1986, puis le titre de chevalier de la Légion d'honneur en 2010, remportant entre-temps la Victoire du Meilleur album de musique de variétés instrumentales en 1993 pour son deuxième volume de reprises "Negropolitaines". Il faut dire que le saxophoniste n'a de cesse d'investir le paysage musical français, sur les scènes les plus prestigieuses comme l'Olympia, le New Morning, le Casino de Paris, ou encore aux Francofolies où le concert hommage "La fête à Manu", avec entre autres invités Maxime Le Forestier et Nino Ferrer, donne lieu à un live anthologique intitulé "Happy Reunion" en 1988.

C'est par ailleurs lui qui réunit les grands Youssou N'Dour, Salif Keita et Angélique Kidjo sur l'album "Wakafrica" en 1993, apporte le festival de musiques africaines Soirs au Village dans sa terre d'accueil de Saint-Calais en 1998, signe une grande partie de la bande originale de "Kirikou et les bêtes sauvages" de Michel Ocelot en 2005, ou s'invite encore auprès de Yannick Noah au festival lyonnais des Nuits de Fourvière en 2012...

Tant d'accomplissements qui font que l'on ne s'étonne pas lorsqu'il est choisit, en 2015, pour être le Grand Témoin de la Francophonie en vue des Jeux Olympiques de Rio. Un événement pour lequel il participe à un nouvel hymne, Tu sais, aux côtés des jeunes Christophe Willem, Inna Modja et Black M. Autant dire que Manu Dibango ne manque, à quelque 83 ans, ni de projets, ni de souffle !

Discographie :

2013 : Balade en saxo
2011 : Past-Present-Future
2011 : Ballad Emotion
2008 : African Woodoo
2007 : Manu Dibango joue Sidney Bechet
2002 : B Sides
2001 : Kamer Feeling
2000 : Mboa'su
1998 : Manu Safari
1998 : Cubafrica
1995 : Lamastabastani
1994 : Wakafrica
1992 : Negropolitaines vol. 2
1990 : Polysonik
1989 : Negropolitaines vol.
1987 : Seventie's
1986 : Afrijazzy
1985 : Electric Africa
1984 : Surtension
1983 : Soft and Sweet
1982 : Waka Juju
1981 : Ambassador
1979 : Gone Clear
1978 : Home Made
1976 : Manu 76
1975 : Africadelic
1974 : Super Kumba
1972 : O boso
1971 : Manu Dibango
1969 : Saxy Party

Récompenses et distinctions :

2010 : Grade de chevalier de la Légion d'honneur
2009 : Grand prix de la Sacem pour l'ensemble de sa carrière
2004 : Artiste de l'UNESCO pour la paix
2001 : Commandeur des arts et des lettres
2000 : Officier de l'ordre des arts et des lettres
1993 : Victoire du Meilleur album de musique de variétés internationales, pour "Negropolitaines vol. 2"
1986 : Chevalier des arts et des lettres

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