Peter Tosh

Peter Tosh©Getty Images, Lex van Rossen/MAI

Peter Tosh, qui grandit au son de la musique traditionnelle jamaïcaine comme au rythm and blues exporté par les grandes ondes américaines, montre tout jeune un talent pour la chanson et la guitare, à laquelle il se forme en autodidacte. Lorsque son père délaisse le foyer au début des années 1960, sa mère et lui se voient contraints par souci financier de quitter leur milieu rural paisible pour rejoindre Trench Town. C'est alors adolescent qu'il se met à errer dans le quartier défavorisé de Kingston. En passant un jour dans la Troisième rue, il tombe sur le musicien Joe Higgs qui joue entouré d'autres jeunes. Le gamin d'une quinzaine d'années se joint à eux pour les accompagner à la guitare : c'est ainsi qu'il rencontre Robert Nesta dit "Bob" Marley et Neville O'Riley Livingston, qui se fera plus tard appelé Bunny Wailer.

Impressionnés par son talent, tant sur l'instrument qu'au chant grâce à sa voix de baryton, les deux amis intègrent alors Peter Tosh dans leur cercle. Le trio, qui se donne comme nom de scène The Wailing Wailers, continue de s'entraîner auprès de Joe Higgs et ne tarde pas à prendre le chemin des studios. Ils diffusent en 1964 un premier single, Simmer Down, déjà un tube sur l'île caribéenne, suivi deux ans plus tard de l'album éponyme du groupe qui lance définitivement sa carrière. Mais alors qu'il enchaîne les hits, comme Rude Boy et une première version de One Love, le trio ne récupère pas grand-chose des profits générés et se sépare en 1966. Seulement quelques mois s'écoulent toutefois avant que Bob Marley, Bunny Wailer et Peter Tosh ne se retrouvent finalement pour reconstituer la formation, sous le simple nom des Wailers.

Depuis convertis au Rastafarisme, les trois camarades évoluent dans leur musique, jusque-là largement influencée par le ska, pour s'approprier le tempo du rocksteady avec le message de paix inhérent à leur religion et ainsi développer un genre qui deviendra bientôt le reggae. Le groupe s'associe un temps avec le producteur Leslie Kong. Lequel, remarquant la fougue de Peter Tosh, le met en avant sur des titres comme Stop That Train et Soon Come. Mais alors que le trio connaît un succès grandissant, c'est progressivement Bob Marley qui prend la place sous les feux des projecteurs.

La notoriété des Wailers ne cesse de grandir dans les années 1970, grâce à des hits comme Stir It Up qui leur ouvre en 1973 la porte des États-Unis, où le groupe est notamment invité en première partie de Bruce Springsteen. Le titre I Shot The Sheriff, tiré de l'album "Burnin'", est ensuite popularisé par une reprise d'Eric Clapton en 1974. C'est par ailleurs sur cet opus que figure pour la première fois la chanson Get Up, Stand Up, coécrite par Bob Marley et Peter Tosh. Après une tournée américaine flamboyante, ce dernier décide néanmoins de quitter le groupe - à l'instar d'ailleurs de Bunny Wailer, qui préfère rester en Jamaïque. Mais pas pour les mêmes raisons : lui ne supporte plus de voir la future légende du reggae prendre autant de place sur les devants de la scène.

Alors Peter Tosh commence à composer sa propre musique. Par ailleurs de plus en plus impliqué dans la politique de son pays, il reçoit durant cette période un passage à tabac - qui ne sera pas le dernier - par les forces de l'ordre jamaïcaine. Pour cause, sa consommation quelque peu provocatrice de marijuana et son utilisation à outrance du terme "shit-stem", un mot-valise combinant les mots "merde" et "système" pour évoquer l'injustice politique ... envers les Afro-Jamaïcains. Plutôt que de se laisser abattre, le chanteur répond en 1976 avec son premier album solo sournoisement intitulé "Legalize It". Le single-titre a beau être censuré sur les ondes de l'île caribéenne, il rencontre tout de même un grand succès. Peter Tosh réitère alors sa dévotion au Rastafarisme et son combat pour l'égalité dès l'année suivante, avec un deuxième opus titré "Equal Rights".

Ce dernier attire l'attention des Rolling Stones, qui le signent sur leur label éponyme en 1978. L'artiste jamaïcain est dès lors régulièrement invité en première partie du célèbre groupe de rock britannique. Il accueille même Mick Jagger en invité d'exception sur son album "Bush Doctor" (1978) pour la reprise d'une chanson des Temptations, (You've Got to Walk and) Don't Look Back, qu'ils rendent largement populaire. Les deux chanteront le titre côte-à-côte à maintes reprises, notamment sur le plateau de l'émission culte Saturday Night Live. De quoi exposer Peter Tosh à un large public.

Ce dernier profite alors de sa notoriété pour défier les autorités dans sa Jamaïque natale. Lors du One Love Peace Concert organisé à Kingston le 22 avril 1978, le chanteur se lance dans un discours passionné, remettant en question les valeurs politiques et économiques du gouvernement, et provocant directement les forces de l'ordre en allumant un joint sur scène. Alors que le monde se souviendra de l'événement pour le message de paix que Bob Marley a préféré véhiculer, en orchestrant une poignée de main historique entre les opposants Michael Manley et Edward Seaga, Peter Tosh portera à vie les cicatrices que lui vaudront son acte de défiance ce soir-là.

Mais les répressions policières n'auront pas raison de lui. L'artiste continue au contraire de faire passer ses messages révoltés dans ses prochains albums, "Mystic Man" (1979) et "Wanted : Dread or Alive" (1981). Alors qu'il assiste non sans jalousie au succès phénoménal que Bob Marley rencontre autour du globe, Peter Tosh revient aux sources au début des années 1980 en se tournant vers l'Afrique. Il diffuse en 1983 l'album "Mama Africa" puis s'exile sur le continent noir, pour apprendre la médecine traditionnelle d'une part, mais aussi tenter d'empêcher (en vain) la diffusion de ses oeuvres en Afrique du Sud, dont il dénonce l'apartheid.

Peu après la sortie de son dernier album, "Nuclear War", Peter Tosh est tragiquement abattu à l'âge de 42 ans. Le soir du 11 septembre 1987, alors qu'il recevait quelques convives avec sa femme Andrea Marlene Brown, des hommes armés font irruption dans sa maison de St. Andrew en Jamaïque. L'attaque, menée pour des raisons inconnues - certains diront pour cambriolage, d'autres par revanche voire une affaire de drogues -, fait cinq blessés et deux morts, dont le chanteur. Les autorités jamaïcaines, qu'il critiquait pourtant tant de son vivant, lui organisent alors un enterrement national.

S'il n'a jamais su atteindre le niveau de notoriété de son camarade Bob Marley, Peter Tosh laisse néanmoins un grand héritage derrière lui. Avec des chansons aussi connues que Stepping Razor, Equal Rights ou encore I Am That I Am, le plus militant des Wailers est à jamais immortalisé à travers sa musique, comme un des plus grands piliers du reggae.

Discographie :

1987 : No Nuclear War
1983 : Mama Africa
1981 : Wanted : Dread and Alive
1979 : Mystic Man
1978 : Bush Doctor
1977 : Equal Rights
1976 : Legalize It

Avec les Wailers :

1973 : Burnin'
1972 : Catch A Fire
1971 : Soul Revolution Part II
1970 : Soul Rebels
1966 : The Wailing Wailers

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