Tori Amos

Tori Amos

Véritable enfant prodige, Myra Ellen Amos voit le jour avec l'oreille absolue. Ce don, la petite fille de Caroline du Nord va l'exploiter très tôt, dès ses quatre ans, en s'installant derrière un piano et en chantant au sein de la chorale de l'église paternelle du Maryland, où les Amos ont établi résidence à la fin des années 1960. Le Révérend Edison prendra par la suite beaucoup de place dans la vie musicale de sa fille. Un peu trop, même, à son goût.

Dès 1967, elle intègre le conservatoire Peabody de la John Hopkins University de Baltimore pour parfaire son éducation musicale déjà très développée pour son âge. Mais sept ans plus tard, Myra a grandi et ne se sent plus en phase avec les oeuvres classiques qu'on lui enseigne. Cette soif d'indépendance va se faire fortement ressentir et le Conservatoire va se contenter de la renvoyer de son établissement, lassé de l'entendre dire qu'elle préférerait jouer ses propres compositions ou même juste des chansons des Beatles !

Bouleversés par la nouvelle, les parents de la petite fille de onze ans cherchent une solution pour lui redonner goût aux études. En vain. C'est alors que son père décide de prendre les rênes de sa carrière en devenant son manager. Le révérend laisse de côté la Bible et court les clubs de la banlieue de Baltimore pour y glisser les démos de sa fille. L'initiative ne porte pas vraiment ses fruits et Myra décroche tout juste quelques contrats pour se produire dans des bars du coin, sous le nom de scène de Tori Amos.

Reste que, très vite, l'artiste qu'elle est déjà devenue étouffe sous la direction de son père, figure autoritaire aussi bien personnelle que professionnelle. Le seul moyen pour elle de rompre cette collaboration est de quitter la ville. Nous sommes en 1984 et Tori Amos gagne Los Angeles, riche vivier d'artistes en devenir. Là-bas, les contrats ne sont pas mieux et c'est de nouveau les scènes de bars et de clubs qu'elle écume. Néanmoins, elle parvient à décrocher quelques apparitions dans des publicités.

Ne lâchant pas pour autant son rêve de devenir une artiste accomplie, elle fonde le groupe Y Kant Tori Read en 1985, qui va lui permettre de signer auprès d'Atlantic Records deux ans plus tard. En juillet 1988, le premier album de la formation, sur six prévus dans le contrat, sort aux États-Unis. Mélange de pop rock et de métal, le disque est un flop commercial monumental et n'aura pas de frères et soeurs. Ni même bientôt plus de mère, Tori Amos reniant totalement le projet et rejetant la faute sur la maison de disque qui aurait trop voulu véhiculer d'elle une fausse image de bimbo.

Après ce disque orphelin, la chanteuse vit un grand moment de solitude et remet en question sa façon de faire de la musique. C'est finalement le piano qui lui fera remonter vers la surface. Ce cher piano qui l'accompagne depuis ses quatre ans et qu'elle avait délaissé à son arrivée dans la Cité des Anges. Désormais accompagnée, à la fois de son instrument fétiche et de son nouveau petit copain, le producteur Eric Rosse, Tori Amos écrit "Little Earthquakes", qui deviendra son premier album en 1992. Mais avant sa sortie, l'opus se frotte à quelques obstacles dont un refus de la maison de disque Atlantic Records, qui ne veut pas miser sur une énième midinette et ses morceaux piano-voix, et l'envoie alors à sa branche londonienne, East West.

La collaboration est fructueuse puisque la chanteuse a enfin pu livrer un disque dont elle est fière. Une oeuvre tout en pudeur dans laquelle elle dénonce les violences faites aux femmes - elle a été peu de temps auparavant violée par un fan à la sortie de l'un de ses concerts et le raconte a Capella dans Me and a gun - mais aussi la religionnotamment dans Crucify, son titre (le seul ?) le plus connu en France. Sorte de journal intime musical au coeur duquel elle glisse des paroles crues mais poétiques, de sa voix douce et empreinte d'émotions, "Little Earthquakes" ne fait pas trembler la terre mais retentit néanmoins aux États-Unis, où elle enchaîne une tournée. Sa première.

Pour le suivant, "Under the Pink" (littéralement "Sous la chair"), sorti en 1996 et enregistré entre Los Angeles et le Nouveau Mexique, l'Américaine fait ressentir à ses nouveaux fans les impacts de sa rupture avec Éric Rosse. L'opus s'inspire en effet des peintures de Georgia O'Keefe et des ... écrits d'Alice Walker, abordant la complexité d'être femme au travers des morceaux Bells for her, The waitress ou encore Cornflake Girl. Qualifié d'album "impressionniste" par la chanteuse elle-même, en référence à ses textes plus imagés et difficiles à comprendre, "Under the Pink" se classe ensuite plutôt bien aux États-Unis mais se voit bouder par la critique qui le juge trop semblable au premier. En vérité, l'opus dérange car il est en décalage complet avec son époque : alors que Madonna et Mariah Carey se trémoussent gentiment sur des rythmes pop, Tori Amos, elle, s'adresse à Dieu (God) et parle de masturbation féminine (Icile), le tout sobrement derrière son piano ou accompagnée d'une guitare.

En 1996, après une tournée harassante de dix mois autour du globe, Tori Amos signe "Boys for Pele", né de son voyage initiatique à Hawaï où elle a découvert les légendes de la déesse du feu Pele, déesse des volcans, vengeresse, qui fut exilée par les autres dieux d'Haïti vers l'archipel américain. Tout sauf calibré pour une diffusion radio, en raison de son inaccessibilité, l'album marque une vraie rupture avec son univers poétique. Étrange et expérimental - sûrement car il s'agit du premier produit par la chanteuse elle-même - le disque intègre du clavecin, des morceaux acoustiques ou encore des arrangements de jazz band (Way Down) mais ne convainc pas grand monde, qui décroche après la première écoute. Cette année-là, Tori Amos fête également son union avec l'ingénieur du son Mark Hawley, un mariage célébré par... le Révérend Amos en personne.

Après cette parenthèse stylistique, les années 1990 made by Tori Amos se poursuivent avec deux nouveaux opus. "From The Choirgirl Hotel" (1998), un disque sombre et violent dans lequel le piano se fait plus discret au profit de guitares électriques hurlantes, de batteries et de percussions. Puis le double album "To Venus and Back", qui rassemble onze titres originaux et un premier live et qui fait suite à une tournée aux États-Unis avec Alanis Morissette, intitulée "5 ½", au profit de l'association qu'Amos a créée en 1994, RAINN (Rape, Abuse and Incest National) en soutient aux victimes de viol.

Se déclarant ouvertement féministe, l'artiste frappe un coup fort dans le terrier des clichés en reprenant dans "Strange Little Girls" (2001) douze titres écrits par des hommes (les Beatles, Depeche Mode, Eminem, Neil Young, Lou Reed...) sur le vaste sujet des femmes et de la féminité, mais en inversant le procédé. L'album devient alors un objet rock underground qui renforce son engagement en tant que femme et artiste. Véritable éponge émotive face aux évènements de sa vie personnelle, Tori Amos l'est aussi quand il s'agit d'évènements mondiaux comme les attentats du 11 Septembre, qui influenceront fortement l'album suivant, "Scarlet's Walk" (2002), sorte de périple historique à travers l'Amérique. Il marque par ailleurs le début de sa collaboration avec le label Epic / Sony.

Sous celui-ci, Tori Amos publiera pour ses fans - qu'elle appelle "Ears with feet", soit "les oreilles avec des pieds" -, "The Beekeeper" (2005), qui comprend notamment un duo avec Damien Rice, mais aussi "American Doll Pose" (2007) ainsi que les compilations "Original Bootlegs" et "A Piano : The Collection" en 2005 et 2006. Elle quitte ensuite Epic / Sony pour sortir son dixième album, "Abnormally Attracted to Sin", chez Universal Republic Records. La chanteuse y décline ses thèmes de prédilection : la dualité entre le Bien et le Pêché et les figures masculines chrétiennes que sont Dieu, Jésus et ses Apôtres, à sa vision féminine.

Comme d'autres avant elle, Tori Amos succombe ensuite aux traditionnels albums de noël ("Midwinter Gaces", 2009) et signe "Night of Hunters" (2011), une variation d'oeuvres classiques pour le label Deutsche Grammophon. En 2012, elle célèbre les vingt ans de "Little Earthquake" en revisitant quatorze titres de sa carrière avec le Metropole Orchestra dans "Gold Dust". Deux ans après cette parenthèse classique, elle propose un album pop rock intimiste, "Unrepentant Geraldines", qui se voit salué par la critique. L'année suivante, elle participe à la bande originale du spectacle "The Light Princess", d'après un conte de George MacDonald.

Discographie :

2014 : Unrepentant Geraldines
2012 : Gold Dust
2011 : Night of Hunters
2009 : Midwinter Graces
2009 : Abnormally Attracted to Sin
2007 : American Doll Posse
2005 : The Beekeeper
2002 : Scarlet's Walk
2001 : Strange Little Girls
1999 : To Venus and Back
1998 : From The Choirgirl Hotel
1996 : Boys For Pele
1994 : Under the Pink
1992 : Little Earthquakes

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